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    L'oubli et ses conséquences
    LA ROTONDE DE CHAMBÉRY DE A À Z
    Un dossier de Georges JENNY.
    Cliquez sur une photo pour l'agrandir; sur le titre pour retourner au début du dossier.
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    Le chantier de la restauration

    Opération sauvetage

    Attente et tractations
    Recherche de solutions. Suite au rapport des Ouvrages d'Art, la Direction Régionale de Chambéry par l'intermédiaire de la Division de l'Équipement et de son bureau Groupe d'Études Bâtiments contacte plusieurs entreprises spécialisées afin d'obtenir une étude ainsi que les coûts liés à la réfection complète de la charpente.

    Particularité: l'exécution des travaux présente de grandes difficultés du fait qu'ils doivent s'effectuer sans interrompre l'exploitation de la rotonde sur des voies électrifiées en 1 500 volts continu. Ils ne peuvent donc qu'être planifiés par secteurs successifs neutralisés de plusieurs voies.

    Sérieuse menace. En 1982, un courrier signé du Directeur Régional et émanant des services de la Direction Régionale, Division de l'Équipement, demande aux utilisateurs de la rotonde (atelier et traction) de définir leurs besoins en surfaces couvertes en cas de démolition partielle ou totale de la rotonde métallique.

    La fin du courrier en dit long sur l'option que semble favoriser la direction de l'entreprise:

    83bis- La fin du courrier...

    Connaissant mon intérêt pour l'histoire ainsi que le patrimoine ferroviaire, « un dirigeant » de l'atelier me communique cette information.

    De mon côté, je questionne le service OA Bâtiments et, grâce à une « indiscrétion volontaire », je suis informé que deux devis ont été retenus, à savoir : celui de la restauration évalué à 3,5 millions d'euros et un de démolition qui s'élève à 0,76 million d'euros !

    Que faire ? Que peut alors bien faire un simple agent de l'atelier d'entretien du matériel moteur ?

    Encouragé par certains dirigeants, avec le soutien physique d'un chef d'équipe, nous demandons à être reçus par Monsieur l'architecte des bâtiments de France (ABF) en poste à Chambéry. L'entretien fut de courte durée, en guise de conclusion il nous est rétorqué :

    « La rotonde n'est qu'un simple hangar industriel propriété de la SNCF »

    84 - Une vue aérienne des installations
    du dépôt des locomotives de Chambéry.
    Opération sauvetage
    Le secours des médias. Devant la réaction négative de l'ABF, la décision est prise : j'alerte les médias afin de toucher le plus grand nombre de personnes possibles et ainsi provoquer un maximum de réactions face au danger qui plane sur l'avenir de la rotonde sachant qu'elle est maintenant la seule en France de ce type et surtout qu'elle est restée intacte et toujours en activité. Sa conservation est donc du plus grand intérêt au titre du patrimoine industriel ferroviaire.

    En plus des médias, les élus de tous bords sont contactés, les différents ministères, etc.

    Le premier reportage d'une longue série est publié le 14 juillet 1982 par le journal régional "Le Dauphiné Libéré". Bien d'autres suivront par la suite ainsi que des reportages télévisés sur des chaînes régionales.

    85 - Reproduction de l'article du journal
    Le Dauphiné Libéré du 14 juillet 1982.

    Premières réactions. Monsieur le préfet de la Savoie interpelle alors l'ABF ainsi que le directeur régional de la SNCF suite à l'article de presse du 14 juillet.

    Miracle ! Les discours vis à vis de la rotonde ne sont plus les mêmes !

    C'est vrai que l'on ne parle pas de la même façon à de simples agents de la SNCF par rapport à de « hautes personnalités »

    Des réponses édifiantes d'hypocrisie !

  • Réponse de l'ABF à monsieur le préfet:
    -«(...) édifice d'une typologie de structure métallique du 19ème siècle, le plus important restant dans le département de la Savoie (...)».

  • Réponse du directeur régional SNCF à monsieur le préfet:
    -«(...) demande une aide financière substantielle pour la préservation du patrimoine culturel que représente la rotonde (...)».

  • Réponse de l'ABF au Ministère de la Culture:
    -«Édifice exceptionnel de la SNCF, communément appelé La Rotonde (...)».

  • Une fausse alerte ? Fort de ces réponses encourageantes, les services de la Préfecture sont donc rassurés sur le sort réservé à la rotonde mais est-ce vraiment la vérité ?

    Me sentant pour le moins frustré devant un pareil retournement des choses, j'adresse alors à toutes les personnes contactées une copie de la lettre du directeur où il fait mention que le maintien d'un pareil bâtiment ne se justifie plus.

    De nouvelles correspondances ont dû alors être à nouveau échangées par les protagonistes. Peu de temps après, j'étais convoqué au bureau du chef d'atelier qui s'est fait un malin plaisir de me citer un extrait du règlement interdisant la divulgation de documents internes vers l'extérieur et terminait ainsi l'entretien: -"(...) attends toi à avoir de gros ennuis !".

    86 - Pour l'heure, les locomotives attendent sous la rotonde. La rotonde elle, attend que l'on veuille bien s'en s'occuper !
    Le pavé était lancé dans la mare !
    Et voilà que de tous côtés on s'intéresse enfin à la rotonde de Chambéry. La SNCF se trouve contrainte d'ouvrir le bâtiment aux demandeurs comme les écoles d'architecture françaises et même suisse, aux revues spécialiséés en architecture, aux écoles spécialisées en constructions métalliques, etc.

    De mon côté, je suis assailli de questions posées par des organismes d'État ou de particuliers car il faut leur prouver que la rotonde de Chambéry est bien un exemplaire unique de construction métallique de type Eiffel et digne d'être conservée au titre du patrimoine industriel ferroviaire. Grâce à la complicité d'agents, j'ai été « autorisé » quelques heures par jour, pendant près de deux années, à fouiller (j'écris bien "fouiller" !), dans ce que l'on appelait à l'époque « les archives mortes » des anciennes compagnies. Heureusement les plans de la construction de la rotonde sont bien ici, mais dans quel état !

    J'ai réussi à reproduire les plus significatifs ce qui m'a permis d'étayer, preuves à l'appui, mes dires en matière de choix pour la conservation de la rotonde.

    Devant le nombre de plus en plus important de demandes de visites de la rotonde, devant le peu de personnes connaissant bien celle-ci, le Service de la Communication de la SNCF me confie le soin d'en assurer désormais les visites et c'est ce que je ferai jusqu'à la fin de ma carrière en 2005.

    86bis - Et pendant ce temps-là, la plaque
    continue de pivoter pour les locomotives.
    La reconnaissance. Surprise en ce début d'année 1985, le cabinet de monsieur le préfet de la Savoie m'informe personnellement que toutes mes démarches ont enfin abouties et qu'un arrêté signé par monsieur le ministre le 28 décembre 1984, notifié par le préfet de la Savoie stipule :

    Inscription à l'inventaire supplémentaire des Monuments Historiques:
  • Rotonde monumentale des locomotives du dépôt de Chambéry;
  • Portails des tunnels de Brison et du Grand Rocher;

  • Note faisant suite à un arrêté collectif concernant le patrimoine ferroviaire Français (viaducs, tunnels, châteaux d'eau, maisons de gardes barrières etc.)

    A l'origine, la DRAC de Lyon pensait également faire classer le tunnel hélicoïdal de La Boucle, situé au-dessus de la gare de Moutiers (ligne de Saint Pierre d'Albigny à Bourg Saint Maurice)

    Questionné sur ce choix, je leur indique que l'ouvrage est toujours en activité et que du côté exploitation ferroviaire, il ne risque rien ce qui n'était pas le cas pour les tours sardes des tunnels de Brison et du Grand Rocher (portion de la ligne d'Aix les Bains à Culoz) après la disparition pure et simple de la tour sud du tunnel de la Colombière afin de réaliser un passage supérieur pour une route.

    87 - Le portail sud du tunnel de Brison. Les tours carrées servaient de logement pour le garde barrière, les tours rondes, d'abri pour les gardes tunnels.

    88 - Les Journées du Patrimoine: une première pour le dépôt de Chambéry avec 1.500 visiteurs en une journée.

    Les Journées du Patrimoine. Heureusement, un nouveau directeur régional a été mis en poste à Chambéry. Celui-ci découvre alors que la rotonde est un formidable outil de communication qu'il convient « d'exploiter » afin de faire passer les messages de l'entreprise auprès du public.

    Le 22 septembre 1985, pour la toute première fois, le Service Communication Régional propose l'ouverture au public de la rotonde à l'occasion des Journées du Patrimoine. En une journée, 1500 personnes découvrent l'intérieur de la rotonde, les différentes locomotives ainsi que les métiers liés à l'entretien et la conduite des locomotives.

    Note: aujourd'hui, la rotonde de Chambéry est le bâtiment de Savoie le plus visité lors des journées du patrimoine; environ 7.400 personnes sur les deux jours, en 2011.
    Alerte, danger !
    Le temps passe et rien ne bouge...
    La rotonde est maintenant protégée, mais il reste le problème du financement des travaux liés à sa restauration. Financièrement, la SNCF est dans une passe difficile et n'a donc pas les moyens de les avancer.

    De mon côté aussi, la bataille n'est pas terminée, il faut maintenant convaincre « les grands décideurs » de mettre la main au portefeuille ! Ce n'est pas chose facile et selon une expression bien connue « ils se repassent tous la patate chaude ». Que de courriers, que de discutions !

    Et voilà qu'au moment où une solution financière semble trouvée entre la SNCF (60%) et le Conseil Général au titre de la sauvegarde du patrimoine inscrit (40%) le Ministère de la Culture se saisit d'une décision prise en juillet 1975 par monsieur Jacques Chirac et applicable à partir du 1er janvier 1977 :

    -"(...) chaque département ministériel est responsable de l'entretien et des réparations des édifices qui lui sont affectés ou qui sont affectés aux établissements publics placés sous sa tutelle. Il appartient donc à la SNCF d'entretenir ses édifices."

    Toutes les démarches doivent être revues et chaque fois qu'un organisme dispose des fonds, c'est l'autre qui n'y parvient pas, alors c'est partie remise à l'année suivante. On a parfois vraiment l'impression de tourner en rond.

    Et pendant ce temps-là, la rotonde subit les affres du temps et se dégrade de plus en plus.

    89 - Loin de se douter de ce qui se trame au-dessus de leur tête, les agents de l'atelier vaquent à leurs occupations: travail curatif sur le chasse neige d'une BB 25150.

    90 - Visite des pantographes
    sur la toiture d'une BB 7200.



    91 - Remplacement des semelles
    de frein sur une BB 25150.

    92 - Opération de remontage d'un essieu
    sur une locomotive diésel BB 67300.

    Sérieuse alerte. Vers la fin de l'été 1995, après une nuit de violents orages, les agents de l'atelier qui doivent intervenir sur la toiture d'une BB 7300 garée sur la voie 9 de la rotonde constatent avec stupeur qu'un morceau de la toiture de la partie annulaire est tombé sur le toit de la machine.

    93 - Le trou béant dans la toiture de la partie annulaire.

    Aussitôt alertés, les services de l'Équipement procèdent à un examen détaillé de la toiture de la partie annulaire. Le constat est affligeant : la toiture est en très mauvais état et par endroits, il y a risque de chute.

    Première mesure : 6 voies sont neutralisées d'urgence, une entreprise spécialisée dans les travaux acrobatiques procède à la pose de filets de protection sous toute la partie annulaire ainsi que sous la coupole.
    94 - Une vue de l'état de certaines parties de la toiture de la partie annulaire.

    La reproduction des plans sont ceux qui était conservés dans « les archives mortes » de la Direction Régionale Alpes. Ils ont été consultés entre 1982 et 1983. Les photos de construction de la rotonde proviennent des collections du Musée Savoisien de Chambéry. Les photographies des dégâts à la rotonde proviennent du Services des Ouvrages d'Art de la SNCF Paris (confiées en 1976). Les photos de restauration de la rotonde proviennent du Service Communication SNCF de Chambéry. Quelques photographies et reproductions de cartes postales proviennent de collection privées.
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